Lauréat de sept Grammy ® et de quatre Latin Grammy ® Awards, Valdés est la personnalité la plus emblématique du jazz afro-cubain moderne. Interprète protéiforme, il s’exprime aussi naturellement en solo qu’à la tête d’ensembles musicaux, petits et grands.
Le 9 octobre 2021, le pianiste, compositeur et chef d’orchestre cubain Jesus “Chucho” Valdès a célébré ses 80 ans. D’autres que lui auraient choisi de se reposer et de profiter des fruits de leur travail et de leur talent. Tout au contraire, Chucho Valdes présente une œuvre maîtresse : La Creacion, suite en trois mouvements pour petit ensemble – voix et big band – interprétant la Création du monde d’après la Regla de Ocha, rite afro-cubain appelé aussi Santeria. Le musicien réalise avec cette œuvre une synthèse de toutes ses expériences musicales passées et actuelles, entrant ainsi dans une seconde adolescence. Au fil de soixante ans d’une remarquable carrière, il trouve son inspiration dans la tradition musicale afro-cubaine, le jazz, la musique classique, le rock, etc.. et s’exprime dans un style organique et profondément personnel.
Son dernier album, le remarquable Jazz Batá 2 s’inscrit dans la lignée de son album Jazz Batà de 1972 : un trio piano-jazz, mettant en scène des tambours batà – tambours sacrés en forme de sablier utilisés dans la musique rituelle de la Santeria, remplaçant la batterie -. A la fois rythmique et ludique, les solos de piano de Chucho reflètent la complexité du répertoire batà – musique classique d’Afrique de l’Ouest. Jazz Batà obtient un Latin Grammy en tant que meilleur album de jazz latin et la mention “un des 50 meilleurs albums de la décennie” du magazine Billboard.
Né dans une famille de musiciens à Quivicán, province de La Havane, Cuba, Dionisio Jesús « Chucho » Valdés Rodríguez, reçoit ses premiers cours de musique de son père, le grand pianiste compositeur et chef d’orchestre Ramon “Bebo” Valdes. À l’âge de trois ans, Chucho interprète déjà au piano des mélodies entendues à la radio. Il commence les cours de piano, théorie et solfège, à l’âge de cinq ans et poursuit sa formation musicale formelle au Conservatorio Municipal de Música de La Habana, dont il sort diplômé à l’âge de 14 ans. Il forme son premier trio de jazz en 1959, puis rejoint l’orchestre Sabor de Cuba – considéré comme une formation musicale majeure de l’histoire de la musique cubaine – sous la direction de… son père.
Irakere
Chucho acquiert sa renommée en tant que fondateur, pianiste et principal compositeur et arrangeur d’un autre ensemble phare de la musique cubaine : Irakere (1973-2005). Peu connu en dehors de Cuba, le groupe Irakere est découvert par Dizzy Gillespie en visite à La Havane lors d’une croisière jazz, en 1977. Sur ses conseils, le producteur Bruce Lundvall, alors président de CBS, se rend à Cuba et signe immédiatement leur contrat, sur place.
La même année, Irakere apparaît en invité surprise au Carnegie Hall dans le cadre du Newport Jazz Festival. Le premier enregistrement du groupe aux États-Unis lui vaut en 1979 un Grammy “meilleur enregistrement latin”. Ce groupe de légende se révèle une pépinière de stars mondiales du jazz : Paquito D’Rivera et Arturo Sandoval. Au cours de son parcours foisonnant, Irakere devient la référence de musique afro-cubaine, mettant en vedette des musiciens influents tels que le regretté Miguel Angá » Díaz ; José Luis Cortés (fondateur de NG La Banda) et Germán Velazco. Chucho Valdès dirige Irakere jusqu’en 2005.
Crisol
En 1998, après l’obtention d’un deuxième Grammy pour l’album Habana (Verve), Chucho entame en parallèle une carrière de joueur solo et chef du groupe Crisol, du trompettiste Roy Hargrove. Ainsi débute une période jalonnée de succès : Solo Piano (Blue Note, 1991), Solo : Live in New York (Blue Note, 2001) et New Conceptions (Blue Note, 2003), ainsi que des enregistrements en quartet tels que Bele Bele en La Habana (Blue Note, 1998), Briyumba Palo Congo (Blue Note, 1999) et Live at the Village Vanguard (Blue Note, 2000), honoré d’un Grammy “meilleur album de jazz latin”.
Afro-Cuban Messengers
Au fil du temps, Chucho est récompensé par de nouveaux Grammys pour Juntos Para Siempre – Calle 54, 2007 – en duo avec son père, Bebo, et pour Chucho’s Steps – Comanche, 2010 – avec son nouveau groupe, les Afro-Cuban Messengers.
En mars dernier, honneur suprême, Chucho se produit dans la salle de concert historique Tchaïkovski à Moscou. En compagnie de la pianiste, compositrice et éducatrice Rebeca Mauleón, il publie « Decoding Afro-Cuban Jazz : The Music of Chucho Valdés & Irakere » (213 pages, Sher Music Co.), comprenant un aperçu de la musique cubaine, des éléments biographiques et l’histoire du groupe Irakere dont la fusion audacieuse entre musiques rituelles afro-cubaines, rythmes populaires afro-cubains, jazz et rock marquera un “avant” et un “après” dans le jazz latin.
Récemment honoré d’un “Lifetime Achievement Award de la Latin Academy of Recording Arts and Science”, Chucho Valdés est intronisé au Latin Songwriters Hall of Fame.
Chucho Valdés se consacre à l’enseignement dans son académie virtuelle de musique, Academia Chucho Valdes www.chuchovaldesacademy.com et s’apprête à collaborer de nouveau avec son vieil ami et compagnon de groupe, l’extraordinaire clarinettiste, saxophoniste et compositeur Paquito D’Rivera.
Le géant cubain de légende, au style inimitable, casquette et sourire “chat du Sheshire”, se produira à Genève, Victoria Hall, le 2 mai 2023.